mardi 7 août 2012

L'orientation scolaire dans tous ses états





Orientation scolaire en France : un rapport officiel très critique

par Bruno Magliulo
Inspecteur d’académie honoraire


 

Le Haut conseil de l’éducation vient de publier un rapport consacré à “l’orientation scolaire” en France. Cette instance officielle est une haute autorité chargée d’établir chaque année un bilan des résultats obtenus par le système éducatif français.

Le moins que l’on puisse dire est que ce rapport critique fortement le système existant, et aboutit, après un constat de carence, à une demande de profonde rénovation, pour une plus grande efficacité.

Faisant un diagnostic de la situation, le  Haut conseil de l’éducation dénonce quatre grandes carences du système existant :

1. Les élèves sont le plus souvent orientés là où il y a de la place, et en fonction du seul bilan scolaire, alors qu’il faudrait plus férquemment le faire en fonction de leurs souhaits et en tenant compte des débouchés professionnels.

2. L’offre de formation est très variable d’une académie à l’autre, si bien que selon l’endroit où il habite, l’élève ne bénéficie pas des mêmes opportunités d’orientation. Par exemple, l’académie de Lille dispose d’une offre très large et importante de formations de type CAP/BEP/baccalauréat professionnel, ce qui fait que la probabilité qu’un élève de troisième soit orienté vers la voie professionnelle est nettement plus importante que dans les académies d’Ile-de-France ou l’offre d’enseignement professionnel est insuffisante, ce qui aboutit à surdimensionner l’orientation vers les voies générales et technologiques.

3. L’offre de formation, et l’orientation qui en découle, sont trop souvent éloignées des besoins du marché de l’emploi. Le rapport dénonce, dans un trop grand nombre de régions, le manque, voire l’absence de formations correspondant à des secteurs d’activité recruteurs, alors qu’inversement, certaines filières sans débouchés perdurent, vers lesquelles on oriente exagérément des élèves, parce que des places y sont disponibles. Exemple frappant : pour les formations correspondant au niveau de qualification professionnelle V (CAP/BEP), au niveau national, un tiers des élèves se retrouvent dans des formations aux métiers de la comptabilité et du secrétariat, alors que le recrutement à ces niveaux de formation est largement bouché, les employeurs ayant de plus en plus tendance à recruter aux niveaux IV (baccalauréat) et III (BTS/DUT).

 4. Le pire est que ces réalités étant connues, on pourrait s’attendre à ce que de gros efforts d’ajustement de l’offre de formation soient accomplis, et que les flux d’orientation des élèves s’ajustent à ces réalités. Or, tel n’est pas le cas. Il est très difficile de fermer certaines formations à faible débouchés (on évoque le poids des politiques locaux qui freineraient, les professeurs qui n’accepteraient pas aisément de se recycler …).

Concernant le dispositif existant de l’orientation scolaire, le rapport propose de le faire évoluer dans quatre directions :

1. Réduire l’éclatement actuel. L’orientation scolaire est assurée par l’Etat, la plupart des régions, certaines villes, des grandes entreprises et organisations professionnelles, ainsi que par le secteur privé. Rien que pour la puissance publique, on compte plusieurs structures, placées sous des tutelles différentes : divers ministères (Education nationale, Emploi, Santé, Culture, etc.), diverses collectivités territoriales (régions, départements, communes), des compagnies consulaires (chambres de commerce et d’industrie, d’agriculture, des métiers)… se faisant largement concurrence. Il faudrait que, pour le moins, on installe une tutelle unique pour les dispositifs qui dépendent de la puissance publique, a minima de l’Etat.

2. Le rôle des 4300 conseillers d’orientation-psychologues de l’Education nationale doit être revu, de même que leur formation et recrutement. Ce corps de fonctionnaires d’Etat est trop peu piloté. Aux yeux des rédacteurs du rapport, il n’est pas normal qu’ils disposent d’une aussi grande capacité d’auto gestion de leur temps de travail, qu’ils ne soient pas inspectés… Le rapport suggère qu’on recentre leurs tâches sur la mission fondamentale qui consiste à “informer” (les élèves, leurs parents …), domaine pour lequel le besoin des familles est insuffisamment satisfait, et qu’on réduise le volet “approche psychologique de la personne”. Cela reviendrait à rompre avec l’actuel système de formation et de recrutement qui fait de la seule licence de psychologie la base du dispositif. Le rapport propose donc que leur recrutement soit diversifié, et s’ouvre à des vocations venues d’autres formations, plus proches de la réalité du monde économique. Du point de vue statutaire, les conseillers d’orientation (qui ne seraient donc plus “psychologues”) devraient être placés sous l’autorité d’un chef d’établissement auquel le CIO (centre d’information et d’orientation) dans lequel ils exercent, en complément de leur activité en établissement, serait administrativement rattaché. Autre scenario possible : le rattachement de tous ces fonctionnaires d’Etat à l’administration régionale.

 3. Amplifier la participation des professeurs au dispositif d’orientation scolaire. Reconnaissant que d’importants progrès ont été accomplis ces dernières années dans ce domaine, le rapport préconise d’aller plus loin. Certains professeurs volontaires pourraient exercer à temps partiel, voire à temps complet, en tant que conseiller d’orientation. A minima, il faudrait faire encore plus appel à eux pour assurer la tâche d’aider les élèves et parents à construire leur projet d’orientation scolaire. Pour cela, il faudra accompagner cette évolution du métier d’enseignant par une formation d’adaptation à ces tâches.

4. Enfin, le rapport du Haut conseil de l’éducation préconise de renforcer l’ “éducation à l’orientation”, tout au long de l’enseignement secondaire. En particulier, l’option “découverte de l’entreprise”, actuellement proposée en classe de troisième à raison de trois heures par semaine, devrait être étendue, voire généralisée.

Ce n’est pas la première fois qu’un rapport officiel dénonce les carences du systèmes français d’orientation scolaire, et propose des réformes en vue d’en améliorer l’efficacité. Rappelons à ce sujet le rapport du Haut conseil de l’évaluation de l’école, paru en mars 2004 sous le titre “L’évaluation de l’orientation à la fin du collège et au lycée”, signé par Maryse Hénoque, Inspectrice de l’information et de l’orientation, et André legrand, professeur des universités. Ce rapport se montrait également très critique, en appelait à une réforme en profondeur du dispositif existant… Force est de constater qu’il est resté lettre morte !





 Il est donc permis de se demander si le rapport que nous vous présentons n’est qu’un rapport de plus, promis au même triste sort que ses prédécesseurs, ou s’il parviendra à servir de levier pour une vraie mise à plat du système d’orientation scolaire existant, et une réelle réforme de celui ci. A suivre donc … mais le doute est permis !

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